Atelier CHILDHOOD STUDIES

ARNAUTOU Charlotte – Université d’Artois

Méchanceté féminine et révisionnisme littéraire féministe : retour aux sources du mal et du genre avec Proserpine de Mary (et Percy) Shelley.

Lorsque l’on considère la méchanceté du point de vue du genre, l’on ne peut que souscrire à la formule d’Eric Fassin : « La violence est pour les féministes une donnée autant qu’un problème ». Plus précisément, la représentation du pouvoir et de la violence féminine préoccupe les féministes autant qu’elle les divise. De par sa sur-représentation dans les contes de fées si formateurs sur les attitudes et les comportements, la méchante est un sujet complexe et clivant pour les féministes. La question plus générale du rapport des femmes et des contes de fées est ancienne mais elle aussi est un objet d’étude très bien identifié dans le champ académique anglophone, depuis l’article fondateur d’Alison Lurie, dans les années 70, « Fairy-tale Liberation » qui, par la controverse qu’il ouvre sur le caractère émancipatoire des contes de fées pour les femmes, lance donc les feminist fairy-tale studies. Cette activité critique intense au moment même de la seconde vague féministe n’a bien sûr rien d’anodin. Au même moment, la puissance politique de la méchante, opposante à un système de domination, prend aussi une nouvelle coloration sous la plume d’une Jean Rhys dans Wide Sargasso Sea ou dans les réécritures de contes d’une Angela Carter. La même intention caractérise ces œuvres : offrir une voix à des figures de la mythologie ou de classiques de la littérature célèbres et pourtant silencieuses, dont l’histoire n’a été racontée que par des voix masculines, construisant de fait leur expérience à leur place.

Or ce révisionnisme féministe, toujours très en vogue à l’heure actuelle (en témoigne le succès d’une Madeline Miller par exemple), s’inscrit dans une tradition anglophone relativement ancienne. On peut en effet tracer une sorte de généalogie de ce motif littéraire basé sur l’inversion, sur l’investissement des blancs du texte. Ce révisionnisme littéraire, qui est d’emblée, teinté de considération politique spécifiquement féministe, est aussi d’emblée attaché à la littérature de jeunesse.

On se propose dans cette communication de revenir sur la « mère » des réécritures modernes et féministes des grandes méchantes classiques, la pièce de théâtre pour enfants de Mary et Percy Shelley, Proserpine, publiée en 1832. Cette réécriture du mythe d’Ovide, principalement de la main de Mary, prend une coloration largement féministe puisque toute la charge émotionnelle de la pièce est portée sur la séparation dramatique entre Cérès et sa fille, la future Reine des Enfers, et met en avant la puissance du lien mère-fille (un aspect qui sera aussi abondamment exploité par Angela Carter dans ses réécritures de contes un siècle et demi plus tard). Ce retour aux sources du mal permettra d’historiciser et peut-être de nuancer une question qui demeure encore aujourd’hui épineuse, mais qui dit aussi la puissance invaincue des représentations fictionnelles de l’enfance sur nos façons de penser et d’agir.

BUHL Virginie – Université de Besançon Franche-Comté

« Elles étaient une fois » : mues, transitions et subversion dans Kissing the Witch, les contes queer et féministes d’Emma Donoghue.

Dans cette communication, il s’agit de présenter et d’analyser le recueil de contes de fées intitulé Kissing the Witch – old tales in new skins (1999, Harper Collins) au prisme des notions de mue et de transition, comme instruments de détournement et de subversion.

Ces treize contes écrits par Emma Donoghue, autrice canadienne d’origine irlandaise, sont autant de réécritures queer et féministes de contes de fées. Isolément, chaque conte est le produit d’une réécriture subversive qui rompt avec les scenarii connus, joue avec les codes du merveilleux et recompose l’horizon d’attente du lectorat. À l’échelle macrotextuelle, l’unité du recueil repose sur les transitions d’une page qui unit chaque conte au précédent. En effet, l’héroïne et narratrice d’un conte pose une question et cède la parole au personnage principal du conte suivant, protagoniste féminine qui jouait jusqu’alors un rôle secondaire. Cette structure narrative complexe, fait de chaque récit une sorte de gigogne d’où sort le suivant.

Cette communication se concentrera en particulier sur une étude de cas : The Tale of the Skin, un conte initiatique inspiré de Peau d’Âne, qui fait la part belle aux métamorphoses vestimentaires et soulève la question de l’animalité de l’enfant et, plus généralement, de l’humain. Les mues successives – volontaires ou contraintes – de l’héroïne ne constituent-elles que des remparts face à la prédation masculine ou participent-elles, sous la plume d’Emma Donoghue, de la construction initiatique d’une identité – celle d’une jeune femme ambivalente et surprenante ? Enfin, comment traduire ce texte encore inédit en français, qui se situe à la croisée entre le merveilleux et le désenchantement, en maintenant l’équilibre changeant et délicat entre ces deux pôles émotionnels ? Comment trouver le ton juste tout en respectant la poésie du texte de départ pour composer un récit qui semble s’adresser à un lectorat adolescent ou adulte plutôt qu’à des enfants ?

CASULLI Florence – École Supérieure de l’Électronique de l’Ouest

Transition(s) littéraire(s) dans l’œuvre pour enfants de Roald Dahl : De l’apprenti lecteur (James) à la lectrice éclairée (Matilda)

Dans un article intitulé « Langues de crocodile : moralité et oralité de l’exotisme enfantin chez Roald Dahl » (2006), Michelle Cheyne développe l’idée selon laquelle l’aventure du héros dans James et la pêche géante (1961) de Roald Dahl (1916-1990) peut être lue allégoriquement comme l’aventure de « l’alphabétisation d’un enfant ». Ce décryptage métatextuel de James est ici le point de départ de l’analyse proposée dans cette communication. En étudiant chronologiquement et métatextuellement l’œuvre de Dahl, il semble effectivement possible d’y déceler une conception métafictionnelle des héros, conception transitionnant de l’ouverture de la réception à l’autonomie littéraire (avec des étapes intermédiaires).

De son vivant, Dahl n’a jamais caché son projet pédagogique et le revendiquait ouvertement lors de nombreuses interviews : « Si mes livres peuvent aider les enfants à devenir des lecteurs, alors je sens que j’aurais accompli quelque chose d’important2 ». Pour parvenir à cette autonomie littéraire rêvée, Dahl semble représenter les différentes étapes de transition d’un.e jeune lecteur.trice dans ses livres pour enfants. La conception métafictionnelle des héros de Dahl passe effectivement de James, apprenti lecteur dans James et la pêche géante géante (1961) à Matilda, lectrice idéale dans le roman éponyme (1988). Cette communication se propose ainsi de démontrer comment Dahl développe ses personnages sur un plan métafictionnel pour que son projet pédagogique de faire lire les enfants se réalise. À travers l’analyse des éléments intertextuels et métatextuels des romans, je mettrai en évidence le pouvoir que la lecture a sur les jeunes héros de Dahl, celui « de salut, de survie face aux aléas de la vie, voire d’émancipation à l’égard de rapports sociaux et politiques de domination ». Engagé à montrer la lecture dans une fonction d’intégration sociale mais pas seulement, l’auteur dépeint de nombreux personnages qui parviennent à déjouer la fatalité du destin et font advenir le miracle de la réussite par le travail, le mérite et la lecture.

DOUCET Sibylle – Université Grenoble-Alpes

« She just said, It’s something to make you more grown up. » – Adult Influence on Children’s Transitions in Philip Pullman’s Multiverse Ensemble.

One of the most obvious themes of children’s and young adult literature is that of growing up, evolving, transitioning from one age, one state, one role, to another. The fact that many such texts are labelled as « coming-of-age stories » is quite telling. In his fantasy trilogy His Dark Materials, Philip Pullman depicts such a transition for his two main protagonists, whose initiation journeys through the multiverse redefine and reshape them, helping them—and sometimes, violently pushing them—along the arduous path to maturity. Indeed, in an interview with Dave Weich, Pullman explained that he strove to « tell a story about what it means to grow up and become adult, the experience all of us have and all of us go through. » Yet, at the end of the trilogy, Will and Lyra are still very young (around twelve years old), although they seem to have completed their transition. This begs the question of the nature of that transition: where did it lead them? What for?

            The omnipresence of a Blakean intertext—specifically of Blake’s Songs of Innocence and Experience—points to a more complex destination than simply adolescence or adulthood. Beyond merely following the trope of the child-protagonist’s isolation, the text shows the children actively resisting adult intervention and influence, pushing towards self-definition through experience. In other words, the active rejection of adult viewpoints seems to be key in the transition process of the trilogy. Yet, this raises an issue: can a book written by an adult, albeit while siding with its young protagonists, really do away with adult points of view and influence? Does the didactic quality of the text not hinder the very point of the desired transition?

            This paper will attempt to study the ambiguous nature of the protagonists’ transition, as well as the paradoxical stance of the adult author for children, whose very posture may function as both a support and a hindrance in the transition process.

DUMONT Lauriana – Université Côté d’Azur

Comment écrire fait-il grandir : l’écriture transitionnelle des juvénilians.

   Cette communication vise à montrer que l’écriture fonctionne comme lieu de transition pour les enfants apprentis écrivains. Il s’agira de défendre l’idée que les juvénilia sont des supports émotionnels et littéraires qui permettent à leurs auteurs d’opérer une transition de leur conscience individuelle vers le monde, du jeu, vers l’œuvre. « Un objet transitionnel est, en psychologie, ce qui permet à une personne, le plus souvent un enfant, de projeter ses émotions sur autre chose que lui-même. » (Bouron, glossaire Géoconfluences) On évoquera d’abord le journal de Marjory Fleming (âgée de 7 à 8 ans), qui illustre le processus de sevrage par lequel la rédactrice prend son indépendance vis-à-vis de ceux qui l’éduquent et dévoie la fonction didactique du journal en visée ludique et introspective. On abordera ensuite le cas d’Edmund Gosse, qui compose à 11 et 21 ans deux juvénilia transitionnels. Le premier est un début de conte qui l’aide à s’extirper de sa fusion avec son père et exorcise un traumatisme juvénile. Le second favorise une transition littéraire par laquelle le personnage éponyme de sa deuxième histoire, Tristram Jones, cesse d’être le Tristan des légendes médiévales qui lui prête son nom pour développer un esprit critique. Ces tentatives embryonnaires qui n’aboutissent pas entièrement mèneront à examiner le monde imaginaire créé par les enfants Brontë. Leur « Angria » est un univers fictif situé quelque part entre l’Afrique, l’Angleterre et le pays des Mille et Une Nuits et se comporte peut-être comme un espace transitionnel qui autorise ces juvénilians à franchir laborieusement les barrières qui les séparent du statut d’auteurs. Au fil des écrits juvéniles des Brontë, un motif du double s’affirme comme moyen, symptôme et remède d’une transition difficile depuis le « monde d’en bas » vers le monde des grandes personnes que ces enfants désirent intégrer socialement, psychologiquement et littérairement.

ISAILĂ Daniela – Université de Lorraine

Using storytelling and child’s play to navigate the liminal space between childhood and adulthood in Holly Black’s Doll Bones (2013)

In Doll Bones by Holly Black (2013), puberty changes, the sudden misunderstanding of communication codes between boys and girls, and falling in love for the first time are all part of the transitional phase of growing up. Whereas these are confusing fields to navigate for Poppy, Alice and Zach, the real menace of growing up is having to give up child’s play and inventing stories, activities which are completely disregarded in the adult world. The three children engage in a last real-life game before they are too old for playing. The quest trope, often associated with maturation processes, does not illustrate the achievement of indispensable qualities to adulthood here. On the contrary, the journey to bury the doll, allowing Eleanor to finally rest in peace, highlights the ways of dealing with the inevitable process of growing up, seen as a loss of childhood’s privileges. In this paper I aim to explore play and storytelling as ‟childish” preoccupations, but also as ways of navigating from childhood to adulthood, through the liminal teenage years. The transition to adulthood is a serious matter for the child characters, for whom fearing being haunted by a lost soul is preferable to living in a world deprived of magic and imagination in which « growing up […] seems like dying » (Black, 2014, p. 200). By appealing to the study of generic conventions of horror and ghost stories, as well as to picturebooks studies, I intend to show how, in the dialogue between text and imagines, childhood is placed under the metaphor of death.

NAJI Inès – Université de Rouen – Normandie

« [B]ut at the age we call puberty, the age you’re coming to very soon, darling […] »: Navigating through change in Philip Pullman’s His Dark Materials (1995-2000)

As a trilogy built upon the characteristics of the Bildungsroman, Philip Pullman’s His Dark Materials (1995-2000) places growing up and changing at the heart of the plot. More specifically, it makes preadolescence and the transition that it symbolises a crucial element of the protagonist’s characterisation. Preadolescence rests on a tension between a childlike state and one of maturity, or – to put it in the words of William Blake, who greatly inspired the author – a tension between innocence and experience. Lyra, the eleven-year-old heroine, navigates through this transitional space for the most part of the trilogy and gradually reaches puberty / adulthood. Considered a « child » in Northern Lights (33), a « little girl » in The Subtle Knife (489), Lyra is depicted as « [a child] no-longer-quite-[a-child] » as her quest comes to an end in the last book, The Amber Spyglass (976).

Despite her fascination for the great explorers and their expeditions led in the far-off lands of the North, Lyra first shows a deep attachment to « her world » (Northern Lights, 58, my emphasis), the world of childhood. Materialised by Jordan College and the city of Oxford, where she has lived all her life, young Lyra’s world is a playground that she refuses to see changing. Yet, as Pullman states in his preface to John Milton’s Paradise Lost: “[His Dark Materials] resolve[s] into an account of the necessity of growing up, and a refusal to lament the loss of innocence.” (10) In fact, Lyra is soon propelled in a quest far away from her secure environment, and comes across billions of new worlds: her perpetual crossing, enhanced through abundant references to doors, thresholds and windows, acts as an echo to her own journey to maturity and ultimate self-discovery.

This paper shall study Lyra’s experience of in-betweenness and her gradual passage from childhood to adulthood. Moreover, it appears that beyond the transition that she goes through as a growing child, in the field of British children’s literature, Lyra ultimately stands as a transitional female character initiating change and establishing herself as a significant turning-point in the representation of pre-teen girls.

POIX Cécile – Université Lumière Lyon 2

Loanwords in children’s books, a way to transition into strangeness

In the preface of The Hobbit, Tolkien guides the reader with linguistic information:

Orc is not an English word. It occurs in one or two places but is usually translated goblin (or hobgoblin of the larger kinds). Orc is the hobbits’ form of the name given at that time to these creatures, and it is not connected at all with our orc, ork, applied to sea-animals of dolphin-kind.”

Borrowing loanwords from foreign languages is a common feature of the English language. As such, many French words (entrepreneur, déjà vu, café, etc.) are established. Thus, it is only natural that authors of children’s literature resort to coining new words from foreign material.

This article reviews loanwords found in children’s books. Two types of borrowings can be identified:

(i) borrowings from English material however unknown to most – Kipling and Tolkien borrow archaic kine (‘plural of cow’), Dickens uses obsolete kinchins (‘children’), dialect words are also present with Dahl’s grittle (‘grind’) and slutch (‘mud’) – or long forgotten (Old English, Old Norse).

(ii) borrowings from foreign languages material also unknown to most, sometimes in complete sentences where a translation may be needed to follow the story.

From unfamiliar spelling using foreign grapheme (Pullman’s dæmon, aëronaut) to Old English creatures (C.S. Lewis Orknies, Ettins and Wooses), the analysis of around 100 coinages formed from borrowing reveals that the linguistic material is deliberately used to increase the strangeness of the reading, allowing a “transition” between familiar and unfamiliar worlds, common or exotic sounds, known and unknown words and contexts.

Crystal states that “linguistic strangeness is, in fact, a perfectly normal, everyday occurrence” (1990: 13). The strangeness of words thus is a natural way to cross borders, into mysterious worlds, real or imagined, enhancing the taste for otherness and building intercultural yearning.

STARZECKI Caroline – Université de Rouen-Normandie

“I started making plans, thinking we would get that far”: sexualité et désillusion dans The Basic Eight (1998), Why We Broke Up (2011) et All the Dirty Parts (2019) de Daniel Handler.

 L’adolescence représente un jalon décisif dans la vie de tout jeune individu, une transition entre deux âges, ou plus précisément, une transition entre un état d’innocence et un état d’expérience, selon la philosophie kantienne. Cela est d’autant plus vrai pour de jeunes adolescent·e·s qui, au cours de leur puberté, découvrent leur corps, leurs envies et leur sexualité.

L’auteur américain Daniel Handler, plus connu pour ses œuvres middle-grade intitulées A Series of Unfortunate Events écrites sous son nom de plume Lemony Snicket, décrit avec à propos la transition de l’adolescence à l’âge adulte, sa beauté, mais aussi ses hésitations par le biais de l’acte sexuel dans trois romans pourtant foncièrement différents. Dans The Basic Eight, le premier roman de l’auteur, Flannery développe une obsession envers son petit ami, Adam, tout en survivant au traumatisme d’un viol : la perte de virginité rime avec perte du contrôle de soi, alors qu’elle assassine le jeune homme à coup de club de golf. Dans Why We Broke Up, le narrateur décrit la romance naissante entre Minerva et Ed, qui atteint son point d’orgue avec la perte de la virginité de la jeune protagoniste, de concert avec la perte de confiance tandis qu’elle découvre qu’Ed la trompait depuis le départ. Enfin, All the Dirty Parts est un roman à la fois provocant et honnête à propos de l’obsession d’un jeune adolescent pour le sexe. Cole effectue le chemin inverse de Flannery et Minerva, passant de l’acte sexuel répété aux sentiments qui peuvent se développer à son issue.

Ces trois exemples mettent en mots l’expérience adolescente comme un moment complexe et unique de transition entre deux âges et brossent un tableau durement réaliste de la puberté. La découverte de la sexualité modifie profondément la vie des adolescent·e·s, que ce soit de manière positive ou négative, faisant de la « première fois » un sujet pivot en littérature Young Adult. Il s’agira donc, pour cette communication, d’observer la manière dont est représenté le bouleversement amené par la sexualité chez Flannery, Minerva et Cole, faisant de l’adolescence un moment de transition, souhaité ou non.

THROSSEL Katharine – Science Po Bordeaux

Children and climate education: citizens of today

This contribution aims to explore the relationship between climate change awareness and political socialisation from a theoretical perspective. It draws on literature in the sociology of childhood and in political science to ask how raising awareness about the climate crisis might impact children’s attitudes towards the democracies they grow up in. It looks more particularly at examples of civic and citizenship education practice in France and the UK to explore how climate change is incorporated into different pedagogical approaches. It thus seeks to understand how these different approaches may contribute to promoting visions of children as citizens of today, rather than as “future citizens”, and facilitating the expression of their voices in democratic spaces.

TIMONER Amelha – Université de Nanterre

« « This is the first thing that ever happened here. Maybe it’s all going to change now »: mondes en transition dans His Dark Materials de Philip Pullman »

Dans sa trilogie de fantasy His Dark Materials (1995-2000), Philip Pullman déploie un nombre conséquent d’espaces et de mondes caractérisés par l’attente. De Bolvangar, où des enfants arrachés à leur famille sont parqués dans une « Station » avant d’être séparés à tout jamais de leur dæmon, à Cittàgazze, théâtre des jeux aussi brutaux que sans but d’Angelica et de ses camarades, guettés eux aussi par un destin funeste, en passant par la banlieue des morts, zone intermédiaire semblable à un camp de réfugiés où des vivants patientent jusqu’à leur dernier souffle, et le monde des morts, lieu d’attente éternel aux antipodes du Paradis promis par l’Église, il est clair que le motif de l’inertie parcourt les trois volumes du cycle.

Le passage des deux protagonistes, Lyra et Will, dans chacun de ces mondes, les libère progressivement de l’immobilisme dont ils étaient prisonniers. Les enfants, à l’aube de l’adolescence, y instillent en effet un dynamisme visant à leur faire quitter leur nature d’espace intermédiaire : la Station de Bolvangar est détruite, mettant fin aux expériences du Magisterium, et le monde des morts passe de limbes au chemin emprunté par les défunts avant leur transformation finale en atomes dans le monde des Mulefa. Le cycle semble alors suggérer que Will, et surtout Lyra, qui est concernée par une prophétie, sont des vecteurs de transition pour ces espaces en proie à la paralysie.

Pour autant, la transition ne s’obtient qu’au prix d’une instabilité fondamentale du multivers qui met en péril les mondes qui le compose. Et si la trilogie se ferme sur l’espoir que chacun achève individuellement sa transition par la création et la préservation d’une « République des Cieux », symbole d’une transformation réussie, The Secret Commonwealth (2019), volume intermédiaire, n’a de cesse d’ajourner la clôture du processus, tant pour l’Oxford de Lyra que pour cette jeune femme que l’héroïne est devenue.

VILLOTTE GRASSET Julie

Le jardin comme espace de transition dans les réécritures modernes de The Secret Garden de Frances H. Burnett (1911).

The Secret Garden de Frances H. Burnett fait aujourd’hui partie du canon littéraire. Régulièrement rééditée et adaptée, tant au niveau littéraire que cinématographique, l’œuvre de Burnett est néanmoins représentative des valeurs d’une période historique, celles de l’aristocratie victorienne anglaise, poussant de nombreux auteurs à la revisiter. Dans The Secret Garden, l’espace du jardin est un lieu de transition, passage obligé d’une quête initiatique à laquelle l’héroïne, Mary, une fois sa métamorphose achevée, initie à son tour son double masculin, Colin. Pourtant, le jardin est également un lieu ambivalent : il permet une évolution et marque l’épanouissement progressif de Mary, mais en réduit aussi les possibles, ainsi que le font remarquer Claudia Marquis et Frances E. Dolan, cantonnant l’héroïne à un apprentissage de ses futurs devoirs d’épouse et de maîtresse de maison.

Cette communication s’intéressera à cet espace de transition qu’est le jardin de Burnett dans deux réécritures contemporaines du roman. Comme nous le verrons, The Humming Room d’Ellen Potter (2012), revisite l’image du jardin pour en accentuer sa fonction d’enfermement, en faisant un lieu dont l’héroïne doit s’éloigner une fois sa tâche accomplie, un simple point de passage plutôt qu’une destination. Dans Tamarind & the Star of Ishta (2020), Jasbinder Bilan, autrice anglo-indienne, place son intrigue dans l’Inde du XXIe siècle afin d’offrir à ses lecteurs une réinterprétation de The Secret Garden qu’elle souhaite plus ouverte, en particulier sur la question du multiculturalisme. Ici, la position du jardin secret, entre le manoir d’inspiration anglaise entouré d’espaces verts manucurés et les vastes étendus sauvages de l’Himalaya, en fait le symbole du conflit identitaire de l’héroïne et participe à l’acceptation de sa liminalité. Ainsi, la réécriture du jardin dans ces deux versions contemporaines du roman de Burnett font de ce lieu de transition un espace de mise en garde contre des valeurs dépassées, portant en creux pour l’héroïne moderne la possibilité de s’en émanciper.